En quoi consistent leurs projets ? Florent Krzakala et l’acquisition comprimée
MP3, JPEG… Tout le monde connait la compression de données : un signal est acquis puis comprimé. Un algorithme permet ainsi de compresser une photo haute définition dans un fichier dont la taille n’excédera pas quelques centaines de kilo octets (Ko).
Au cours des années 2000, un nouveau concept est apparu : l’acquisition comprimée. Trois personnes ont défriché ce territoire encore vierge : Terry Tao, David Donoho et Emanuel Kandes.
Ils ont cherché à capturer tout de suite les 100 Ko de données essentielles à l’information plutôt que de capturer tout le signal. Leur but : mesurer la partie intéressante avant de le reconstruire. Ils ont trouvé une solution pour être plus précis, plus rapide (moins de données à acquérir), et occuper moins d’espace mémoire dans une machine.
« Leur idée - et leur découverte - a été remarquable, explique Florent Krzakala. Elle a très rapidement trouvé une application intéressante : la résonance magnétique nucléaire (RMN) dont la durée est un facteur limitant important. Leurs résultats ont permis de diviser par deux le temps d’acquisition par ce procédé, doublant la disponibilité des scanners pour les patients, ou divisant par deux le temps d’attente pour un diagnostic parfois vital. C’est une grande réussite. »
Mais si les méthodes utilisées extraient bien une partie pertinente du signal, elles sont restées limitées. Problème : un effet de seuil en deçà duquel on ne descend pas.
Florent Krzakala et ses collègues entrent en scène
L’équipe au complet : Statistical Physics Approach to Reconstruction in Compressed Sensing
Florent Krzakala (ESPCI ParisTech)
Lenka Zdeborova (Saclay – CEA)
Marc Mezard (ENS)
Sun Yifan (Beihang University)
François Sausset (Université Paris Sud)
« Avec d’autres collègues physiciens, nous nous sommes rendus compte que le problème auquel étaient confrontés ces spécialistes du compressed sensing était très proche de problèmes de que nous étudions en physique depuis des années.
L’eau, par exemple, cristallise à base température mais devient parfois un liquide surfondu : elle demeure en phase liquide alors que sa température est inférieure à son point de solidification.
C’était la même chose pour les données comprimées. Elles restaient confinées dans des valeurs minimales qui n’étaient pas celles recherchées. »
– 1999-2002 : soutient sa thèse a Orsay (LPTMS) sous la direction du Prof. Olivier Martin,
– 2002-2004 : Post-Doctorant a l’université de Roma La Sapienza, dans le groupe du Pr. Giorgio Parisi,
– 2004 : Maître de conférences à l’ESPCI ParisTech, dans l’équipe de Physico-chimie théorique (UMR Gulliver)
– 2008-2010 : Visiteur au Los Alamos National Laboratories (USA),
– 2012 : reçoit une bourse ERC.
« En nous inspirant de nos méthodes de physiciens, nous avons mis au point une technique qui permet de dépasser ce seuil. Et cela a constitué une énorme surprise dans la communauté du compressed sensing : nous avons atteint des niveaux de compression bien plus performants !"
« Aujourd’hui, un problème fondamental est résolu. Ce qui n’était pas possible avant notre travail l’est désormais et ce que nous avons proposé a un fort impact sur la théorie de l’information.
Notre nouvel objectif, c’est une transformation dans le domaine applicable et industriel, ce qui sera l’objet des travaux financés par cette bourse européenne. »
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