En lisant la publication dont nous parlions plus tôt, un détail saute aux yeux : près de deux cents personnes l’ont signée. Pourquoi autant d’auteurs ?
VL : Virgo est un très grand projet associant de nombreux chercheurs et ingénieurs qui cosignent chaque publication. Nous avons aussi signé, même s’il s’agit ici du traitement du signal auquel nous ne participons pas directement. C’est une pratique caractéristique de la communauté scientifique fédérée par Virgo. Lorsque nous étions en première ligne, lors de la phase de conception optique de Virgo, 200 personnes signaient également tous les articles. Et dans le cas de cette publication, les équipes du projet Ligo, qui est d’une certaine manière l’équivalent américain de Virgo, signent aussi.
1992 : DEA d’astrophysique et techniques spatiales à l’université Denis Diderot
1995 : thèse sous la direction de Claude Boccara, "Développement des méthodes et instruments de métrologie optique pour le projet Virgo"
Depuis 1995 : chargé de recherches CNRS au sein du laboratoire d’optique puis du LPEM
Un projet américain, un autre européen… Virgo et Ligo ne sont-ils pas concurrents ?
IM : Non, la collaboration entre les différents projets est née dès leur lancement. C’est l’une des raisons pour lesquelles les équipes sont associées sur cette publication.
VL : Pour mieux comprendre, il faut savoir que la toute première détection d’une onde gravitationnelle ne sera acceptée par la communauté scientifique internationale que si elle résulte d’une détection coïncidente réalisée par plusieurs grands instruments. Deux d’entre eux, liés au projet Ligo, sont sur le territoire américain : l’un est en Louisiane et l’autre près de Washington. Virgo est le plus grand projet européen.
Pourquoi plusieurs détecteurs sont-ils indispensables ?
IM : Ils sont très complémentaires. D’abord en raison de la proximité des détecteurs américains à l’échelle de la Terre. L’éloignement relatif de Virgo par rapport à eux est un sérieux avantage pour remonter à la source de l’onde gravitationnelle. Comme ces machines ne sont pas directionnelles, trois d’entre elles sont nécessaires pour déterminer l’origine d’une onde par triangulation, comme avec le GPS.
VL : Ensuite parce que la synchronisation des différents détecteurs permet de dé corréler les « bruits » parasites, ce qui facilite leur identification et donc le filtrage des signaux les plus intéressants. Un « bruit » commun à plusieurs détecteurs - un mouvement sismique par exemple - est possible mais apparaitra justement de façon désynchronisé entre les détecteurs ce qui permettra de l’identifier. Un détecteur n’a pratiquement aucune chance d’identifier un signal gravitationnel à lui tout seul : trop de doutes subsisteraient.
2001 : DEA d’optique à l’université Paris 7
2002 : mène ses travaux de thèse au CNES et à l’Observatoire de Paris sur le développement d’une horloge à atomes froids spatialisable.
2006 : ATER à l’université Paris 7
2007 : ATER à l’ENS Cachan
2008 : post-doc à l’Observatoire de Meudon puis entre au CNRS comme ingénieur de recherche affecté au LPEM.
Mis à part les séismes, d’où proviennent ces bruits parasites et comment les éliminer ?
VL : Virgo est un détecteur extraordinairement sensible. L’un des plus sensibles jamais construits. Et, bien qu’étant remarquablement conçu et isolé, il capte notamment un grand nombre d’événements terrestres qu’il nous faut identifier et trier : le démarrage d’un tracteur, le fracas des vagues sur la côte, la force du vent ou même… la ronde du gardien de nuit. Les équipes Ligo et Virgo doivent donc nécessairement collaborer pour déterminer un format de données et un traitement communs pour mieux les analyser.
IM : Le travail de synchronisation et de sélection est très important car toutes les informations récoltées ne peuvent être traitées par les supercalculateurs. Un détecteur d’ondes gravitationnelles génère un flot de données colossal. C’est un volume comparable à celui produit par les expériences menées au (Large Hadron Collider).
Virgo et Ligo ont donc été utilisés de façon coordonnée. Quels sont les premiers résultats ?
VL : Cet article résulte de la toute première période d’activité commune aux deux détecteurs avec, pour résultats, des données scientifiques enfin exploitables. Cette publication s’appuie donc sur l’analyse de données réellement susceptibles de contenir un signal gravitationnel.
Premier acquis : la validation de la chaine de traitement de l’information. Pour cela, des signaux « test » ont été injectés dans les flux de données à l’insu des chercheurs. Objectif : vérifier le comportement des systèmes de traitement.
IM : Ce procédé renforce les procédures de vérification et permet d’éviter que des chercheurs sur-réagissent et publient un article à la moindre suspicion. La toute première détection avérée sera probablement un événement retentissant.
VL : Cette publication révèle aussi qu’il n’y a pas eu de détection capable de passer les critères de qualité définis pour les détecteurs.