Activité cérébrale et répétition

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04/12/2020

« La civilisation progresse en multipliant les opérations importantes que nous pouvons effectuer sans y penser » Par cette phrase, le philosophe A. Whitehead souligne l’importance de l’automatisation des tâches de bas niveau lorsque l’on effectue une tâche complexe et répétitive. Faire ses lacets, écrire, marcher, depuis bien longtemps notre esprit est « déchargé » des actions élémentaires qui composent ces comportements. Afin de comprendre ce qui se passe dans le cerveau au cours d’un comportement répétitif, une équipe du laboratoire Physique pour la Médecine (Inserm, CNRS, ESPCI Paris-PSL) a enregistré l’activité du cerveau de rats alors qu’ils effectuaient des épisodes stéréotypés de locomotion sur une piste au moyen d’une nouvelle technique d’imagerie, les ultrasons fonctionnels (fUS en anglais). L’imagerie fUS, développée par le laboratoire, permet de voir l’activité cérébrale dans l’ensemble du cerveau à une résolution inégalée. Autre avantage, cette technique est légère et peu contraignante à tel point qu’elle ne perturbe pas le comportement naturel d’un animal et permet donc de révéler l’activité du cerveau pendant des comportements subtils comme la locomotion. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature communications.

Evolution de l'activité cérébrale d'un rat durant un épisode de locomotion

Les chercheurs ont enregistré simultanément le comportement de l’animal, l’activité électrique de l’hippocampe – une région connue pour être le siège de la mémoire spatiale chez le rongeur, notamment pour les cellules de lieu, véritable GPS du cerveau – et l’activité vasculaire du cerveau grâce aux ultrasons fonctionnels pendant des épisodes de locomotion. Cette approche permet de révéler l’ensemble des régions activées pendant qu’un animal se déplace et se repère dans son environnement. Ils ont trouvé que la locomotion recrute un vaste réseau incluant l’hippocampe, le thalamus dorsal et le cortex rétrosplenial dans une séquence très précise, alors même que le cortex moteur est littéralement désactivé !

De plus, et de manière très surprenante, l’équipe a observé que deux épisodes de locomotion apparemment similaires en termes de vitesse de déplacement et de durée diffèrent drastiquement sur le plan vasculaire. Au début de la session d’enregistrement, le cortex répond fortement alors que l’hippocampe est relativement silencieux. Mais au fur et à mesure que l’animal accumule les épisodes de locomotion, le cortex semble passer le relais à l’hippocampe qui s’active de plus en plus intensément. Pourtant d’un point de vue extérieur, les deux essais sont similaires et l’activité électrique de l’hippocampe n’est que peu affectée ! Ceci montre que le lien entre activité vasculaire, électrique et comportement est complexe et que la répétition d’une tâche routinière comme les épisodes de locomotion peut générer des motifs d’activations très variables dans l’ensemble du cerveau.

Publication associée :

A Bergel, E Tiran, T Deffieux, C Demené, M Tanter, I Cohen, Adaptive modulation of brain hemodynamics across stereotyped running episodes, Nature Communications 2020, https://doi.org/10.1038/s41467-020-19948-7





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